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Introduction :
On peut distinguer deux phases bien distinctes dans
l’histoire de la guerre sous marine :
1/ La période du sous-marin d’attaque,
au cours des deux guerres mondiales et s’achevant à la fin des années 50. Le sous-marin constituant un moyen
efficace de menace et de destruction des bâtiments de surface ennemis et de ses lignes maritimes de ravitaillement
(shipping).
On l’a rencontré
durant la 1ére et les 2éme guerres mondiales, au cours de trois campagnes principales : les 2 batailles de l’Atlantique
durant lesquelles les sous-marins allemands
ont presque failli réussir à couper les lignes de ravitaillement des
alliés mais finalement ont étés réduits
par les forces d’escorte, et la campagne du Pacifique qui a vu la destruction
complète du shipping japonais par les sous-marins américains.
2/ La phase du sous-marin nucléaire
lanceur d’engins (SNLE),
parfait outil de dissuasion en temps de guerre froide, indétectable, porteur de
puissance de destruction continentale et « dernier recours »
éventuel. La chute de l’empire
soviétique et la fin de la guerre
froide n’ont pas pour autant correspondu
à la disparition de l’activité
sous-marine. Les mouvements des
puissants sous-marins « Taifun » russes, et l’activité de harcèlement
des sous-marins côtiers nord coréen en sont une représentation suffisante.
Des programmes relativement importants de développement
technique en Chine, des achats ou constructions sous licence dans divers
endroits du monde ( en particulier dans le Pacifique et l’océan indien)
laissent à penser que de nombreuses puissances, certaines de taille assez
modeste, s’intéressent toujours à la guerre sous-marine et souhaitent s’y
préparer.
A ce jour les forces en présence
s’établissent comme suit :
Russie : 80 sous marins de combat :
20 SNLE ( appellation anglo-saxonne : SSBN
submarine-strategic-balistic-nuclear)
37 SNA ( submarine-nuclear-attack)
23 SSK ( submarine -diesel-classique).Certains ne figurant plus que
"nominativement" sur la liste navale.
Etats Unis : 83 sous marins,
tous nucléaires :
18 SNLE
65 SNA.
Chine Populaire : 70 sous-marins
( la très grande majorité diesel, les plus récents de classe Kilo de
construction russe et quelques sous-marins nucléaires, 1 ou 2 SNLE, assez
rudimentaires ).
Grande Bretagne : 15 sous marins, tous nucléaires :
3 SNLE
12 SNA.
France : 12 sous marins :
4 SNLE,
6 SNA,
2 SSK ( qui vont être désarmés prochainement).
D’autres pays possèdent aussi des forces sous marines organisées :
En Europe : diverses autres puissances
du pacte atlantique OTAN (
Allemagne, Hollande, Norvège, Italie, Espagne, Grèce, Turquie, Portugal ),
ainsi que les marines suédoise et
ukrainienne.
Au Moyen Orient : les marines israéliennes, égyptienne, iranienne.
En océan indien : le Pakistan, l’Inde et
l’Afrique du sud.
Dans le Pacifique : le Japon, le Canada, le Chili, la Corée du Nord.
Enfin dans le monde, divers autres pays
peuvent « aligner » dans leur flotte militaire un ou plusieurs
submersibles, mais sans valeur opérationnelle très affirmée : Algérie,
Libye, Argentine, Pérou etc...
Au global : |
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La fin de la période de tensions entre les 2 grandes
superpuissances a fait diminuer l’activité sous-marine des 4
« grands », mais fait constater l’émergence de nouvelles activités de
sous-marins conventionnels partout dans le monde.
Vie des équipages :
Classiquement dans toutes les forces comportant des sous-marins nucléaires opérationnels on arme ces bâtiments avec 2 équipages
( traditionnellement l’un « bleu » et l’autre
« rouge ») afin de pouvoir
faire face à l’intensité des activités de ces types de navires.
A
titre indicatif, dans la marine nationale française, le planning d’utilisation
d’un équipage (le « bleu »
par exemple) s’établit ainsi, sur un cycle d’environ 34 semaines consécutives comme suit :
-17 semaines de « charge » : patrouille
lointaine ou navigation.
-5 semaines de « soutien » : entretien du
bâtiment à la base, en commun avec l’équipage « rouge », puisque le
bâtiment est en immobilisation technique entre 2 patrouilles.
-6 semaines de « permission » de détente.
-6 semaines d’entraînement intensif aux divers
simulateurs d’opérations ou de sûreté nucléaire. Cette période est
absolument primordiale dans
l’acquisition et le maintien du professionnalisme de toutes les équipes de quart et la cohésion des différentes
fonctions en dépit des
changements d’affectations de leurs membres. Les simulateurs actuels se situent
à un très haut niveau de réalisme et permettent de reconstituer les situations
les plus sophistiquées ou les plus
complexes.
L’équipage
« rouge », quant à lui, suit un cycle inverse.
Recrutement :
Dans toutes les marines
significatives, il est basé uniquement sur des
volontaires, après tests ou épreuves physiques, psychotechniques et de
motivations. En général, il n’y a pas de problèmes de volontariat de qualité au
niveau des officiers mariniers. Pour les officiers, outre le volontariat et la
qualité se pose le problème de la sélection des futurs commandants de SNLE,
tant aux niveaux professionnels qu’au plan psychologique ( capacité d’analyse
sous stress).
Entretien des bâtiments :
En plus des plages d’entretien de
« reconstitution » entre 2 activités, les sous-marins nucléaires
subissent un « grand entretien » tous les 5 ans, cette immobilisation dure un an. Cet intervalle
pourra être porté à 7/ 8 ans pour les navires futurs.
Missions des sous marins
nucléaires :
En France, les SNLE
assurent la dissuasion nucléaire française ( ils détiennent 95 % des
ogives opérationnelles ) en agissant
sur ordre du président de la république en cas d’atteinte des intérêts vitaux
nationaux
Précédemment, à l’époque de la guerre froide, 3
sous-marins se trouvaient simultanément en patrouille, la baisse de la menace a
ramené cette précaution à 2
actuellement.
Ils dépendent, pour
l’ordre de feu, directement de la présidence à l’aide d’un circuit spécial de
transmissions. Opérationnellement ils sont rattachés au chef de l’état major général des armées, sous les
ordres de l’amiral ALFOST ( amiral des forces océaniques stratégiques).
Organiquement, en revanche, c’est le chef d’état major de la marine qui est
responsable de l’entraînement et de la maintenance de cette force.
La mission des SNA est plus diversifiée :
-
en temps de paix : soutient de la FOST (force sous-marine stratégique) et du groupe
aéronaval ( porte-avions), pistage et renseignement ( écoute microphonique et
analyse radar, surveillance discrète des cotes et veille radioélectrique).
-
en opérations de guerre : Lutte anti-surface et sous-marine,
opérations spéciales (minage offensif
des cotes, débarquement d’agents ou de commandos...), protection rapprochée du groupe aéronaval ( ce fut la
mission concrètement remplie par les SNA anglais lors de la guerre des
Malouines, qui ont « fixé » dans ses bases toute la marine argentine
après le torpillage du croiseur « Belgrano »).
-
Les possibilités de déploiement des sous-marins nucléaires s’établissent à
l’échelle mondiale. Leur rayon d’action
est quasiment illimité en ce qui concerne l’autonomie motrice ( 2 fois la distance terre lune...) et leur vitesse pratique de transit très soutenu, elle est supérieure à 20 noeuds en
plongée. A titre indicatif, il faut compter depuis les bases métropolitaines
françaises, pour le délai de mise en place sur zone d’un SNA : 9 jours pour les Antilles, 5 pour la cote occidentale d’Afrique, 35 pour
l’extrême orient, 32 pour le Pacifique. En ce qui concerne les théâtres
d’opération du Golfe, 9 par Suez et 27 par la route du Cap. En Méditerranée orientale, il faut prévoir 4
jours.
Outil sous marin :
Les habituels problèmes « navals » sont
évidemment très compliqués par l’agressivité de l’environnement sous
marin :
- la pression hydrostatique : prévoir des matériels et des
procédures de sécurité plongée pour des
pressions de plus de 50 bars.
- l’absence
totale d’air : en ce qui
concerne la propulsion, l’énergie nucléaire a démontré depuis 30 ans ses
possibilités. Différentes études modernes
de propulsion AIP ( Air
Indépendant Propulsion) ont repris les principes des précédents travaux allemands
du professeur Walter, dans les domaines de la mise au point d’énergie
« anaérobie » ( c’est à dire sans air). Plusieurs procédés sont
actuellement en expérimentation, tous selon le même schéma de stockage
simultané du carburant et du comburant,
soit pour la propulsion directe soit pour la génération d’énergie
électrique :
- le système allemand de production
d’électricité par piles à combustible
(utilisation d’hydrogène liquide à travers des membranes catalytiques ) en
service sur les sous-marins allemands et italiens du type U 212.
-
le moteur Stirling ( moteur à
combustion externe fonctionnant à l’oxygène liquide et au gaz oil avec un gaz de travail inerte, l’hélium) actionnant
directement l’hélice, extrapolé du sous-marin civil expérimental français « Saga », il est utilisé à bord
des sous-marins suédois du type « Gotland ».
-
le système français Messma
(production de vapeur par combustion d’un mélange de fuel-oil ou éthanol et
d’oxygène liquide ) actionnant un turboalternateur producteur d’électricité
alimentant la batterie et mis au point
sur certains sous-marins de la classe
« Agosta » proposés au
Pakistan.
Tous ces modes de production d’énergie de propulsion se trouvent
en concurrence pour la construction de
sous-marin diesel « évolués »
destinés à des pays qui n’ont pas les moyens de maîtriser l’énergie
nucléaire.
En tout état de cause, ils ne pourront jamais, et de très
loin, concurrencer l’atome pour la propulsion sous-marine. Ils permettront, s'ils sont mis au point
convenablement, de « booster »
un peu les performances des SSK en leur permettant d’améliorer leur
autonomie en plongée à faible vitesse.
On pourrait ainsi compter sur 8 à 10
jours d’autonomie plongée à vitesse
lente.
- l’opacité
du milieu et les aléas de la
détection acoustique : actuellement les nouveaux bâtiments ( SNA
et SNLE ) disposent d’hélices
très performantes en rendement de
propulsion et en discrétion acoustique.
Leurs chaufferies nucléaires sont «compactes » (
les circuits primaire et secondaire
sont situés dans un compartiment unique
avec circulation naturelle des
éléments thermocaloriques à faible et moyenne puissance, les pompes de circulation n’étant embrayées qu’aux grandes vitesses
).
En ce qui concerne le critère de rayonnement acoustique
en propulsion de croisière, il a été réduit du facteur 1.000 par rapport à la 1ere génération de
sous-marins nucléaires. La course au silence a conduit à faire grossir les
coques afin de pouvoir installer un maximum de berceaux porteurs, dissocier et éloigner les nappes de câbles
pour éviter la transmission des vibrations parasites et utiliser pour leur isolation
électrique des matériaux « ductiles ».
Les coûts de construction ont bien entendu suivi et sont désormais de l’ordre de 150 US dollars (1.000 FFR) par
chaque kilogramme de sous-marin moderne.
Avec des « Triomphant » de 15.000 tonnes, on
chiffre à 85 milliards de francs le programme global de mise en service de
ces 4 nouveaux SNLE
français.
La détection
sous-marine repose toujours sur la maîtrise des 2 fonctions
(actif et passif) et des 2
types ( coque et remorqué ) de sonars, en jouant ou déjouant
les arcanes de la bathythermie
et des chenaux sonores.
On étudie depuis longtemps d’autres systèmes
palliatifs : l’observation par
satellite de la luminescence des sillages, l’analyse par les avions de
patrouille maritime des anomalies magnétiques et la détection au laser bleu à
travers l’eau.
-
les armes disponibles sont les
torpilles filoguidées ( disposant d’une tête sonar de discrimination et orientées vers la cible depuis le sous-marin à l’aide
d’un câble déroulant de 20 kilomètres ) et les missiles à changement de milieu (Exocet ) d’une portée de 50 kilomètres. Les
sous-marins, par contre, sont toujours
totalement démunis d’armes anti-aéronefs.
-
les communications sont assurées par fréquences
HF et VHF (à l’aide d’antennes fouet sur mâts oléohydrauliques ) à l’immersion périscopique, par ondes LF à très faible profondeur, et par systèmes
VLF et ELF munis d’antennes filaires déroulées par le sous-marin aux immersions
profondes.
En
définitive, les atouts du SNA résident dans son ubiquité obtenue par sa haute
vitesse de transit discret et sa puissance de feu.
Ses
faiblesses sont constituées cependant
par son manque de moyens d’autodéfense contre les aéronefs, sa lenteur de
traitement des informations tactiques de surface, et ses capacités réduites de transmissions avec
l’extérieur.
En ce qui concerne les SNLE actuels, ils déplacent de 15.000 à 20.000 tonnes en surface et de 20.000 à 25.000 tonnes en
plongée, étant équipés des derniers perfectionnements en matière de discrétion
acoustique (hélice carénée), ils sont généralement armés par un équipage de 120 / 150 hommes. Ils disposent de 16 silos lance missile + tubes
lance torpilles pour leur autodéfense.
Les SNA sont dotés de tubes lance torpilles et de missiles à changement de milieu.
Futur de l’arme sous marine :
1/ La marine nationale française étudie un SNA futur pour 2010, le projet
Barracuda. Une nouvelle génération de 6 unités
de 4.000 t, plus endurante et « communicante » que l’actuelle
série des « Améthyste ».
Peut être aura-t-on
maîtrisé, à cette date, le problème de
l’autodéfense à courte portée contre les hélicoptères ? En tout état de
cause le problème restera entier
vis-à-vis de la menace émanant des avions de patrouille maritime à long rayon d’action (Patmar).
2/ Au plan des moyens de sauvetage des équipages, peu de
progrès sur le système actuel : combinaison individuelle pour les sorties
jusqu’à 180 mètres et dispositif américain
DSRV (Deep Submarine Recovery Vehicle ) petite capsule sous-marine
aérotransportable partout dans le monde au moyen d’un avion cargo gros porteur
et qui peut être immergée à proximité de l’epave par un sous-marin
normal . Dotée d’un sas equipé d’un
module standard d’accouplement aux panneaux, elle permet de transférer depuis l’épave « au sec » les survivants vers le sous-marin en
recueil. Ce dispositif uniquement mis en œuvre par les US Navy ( mais
utilisable au profit des autres marines de l’OTAN) est susceptible d’opérer
au-delà de 600/700 mètres.
3/ Sous-marins « modulaires »
spécialisés. A partir d’un même vecteur, l’embarquement d’un gros
module interchangeable et amovible,
pourrait permettre de spécialiser les missions (ASM, lance missiles, antimine,
transport d’assaut etc...).
Dans le domaine des SSK deux types de réalisations
distinctes. En ce qui concerne la production des chantiers français pour
l’exportation :
- 3 « Agosta » pour le Pakistan, dont
l’un equipé du systéme anaérobie.
- 2 « Scorpène » pour le Chili, en coopération avec l’Espagne. Il s’agit de
sous-marins disposant de diesels surpuissants permettant une charge quotidienne
en 2 heures seulement et couplés avec des batteries modernes qui offrent à
volume égal 50% de capacité électrique en plus par rapport au matériel actuel.
En ce qui concerne la furtivité à la détection ultrasonique,
les revêtements « Anéchoiques »
offrent une certaine protection contre les sonars HF ( haute fréquence)
des autodirecteurs torpilles ou des engins hélitreuillés, mais ils ne
protègent pas contre les puissants sonars BF ( basse fréquence) remorqués.
Par contre le
« marquage » ( installation de revêtement en tuiles
absorbantes des bruits rayonnés et des
vibrations ) qui fait fonction de « pièges à bruit » constitue une
voie intéressante.
Jean Ceccarelli, capitaine de frégate (H),
membre de la société française d’histoire maritime.